"Ya Aachikin"

La spécificité constantinoise

 

Dévier de la norme pour s'inscrire dans la marge est une transgression que l'on peut reprocher aux maîtres constantinois. En effet, si on prend la peine de se pencher avec un peu d'attention sur le travail des trois écoles algériennes (Gharnati de Tlemcen, Sanaa d'Alger et le Malouf de Constantine) et de leurs maitres respectifs, on s'aperçoit que seuls les constantinois ont cherché à apporter de nouvelles sonorités et à introduire de nouveaux instruments au sein de leurs orchestres. Il s'agit en réalité d'une quête de perfection et d'amélioration du répertoire mais, aux dires des connaisseurs, et c'est tout aussi vrai, une forme d'infidélité à la tradition.
 
En partant de l'ouest algérien, on remarque que l'école tlemcenienne a toujours respecté cet héritage musical en s'interdisant toute tentation d'introduction de nouvelles sonorités. Aujourd'hui, à Tlemcen, on continue de le transmettre avec ses seuls instruments de base.
 
A Alger, seul le piano de Mustapha Skandrani a été adopté par l'école. Il faut signaler que, grâce à lui, on obtient de très belles improvisations et surtout un parfait accompagnement des mélodies. De nos jours, et après le décès de ce grand maître, son piano est remplacé par un synthétiseur qui le restitue parfaitement. Mais c'est aussi une question de commodité car il est plus facilement transportable que l'imposant instrument, notamment pour les mariages et circoncisions.
 
A Constantine, après la parfaite intégration de la guitare de Gaston Ghrenassia dans l'orchestre de
Raymond, c'est au tour d'un piano, dès 1958, d'intégrer la formation pour décliner, entre autres merveilles, une très belle version de "Ya Aachikin".
Dans les années 1970, c'est Hamdi Benani qui introduit un quartet complet (batterie, guitare basse, guitare électrique et orgue) dans ses prestations, suivi de Fergani qui, après avoir essayé et vite abandonné ces intégrations, s'est contenté de garder pour quelques temps un orgue lui permettant d'agrémenter ses improvisations instrumentales.
 
Aujourd'hui, de nouveaux maîtres constantinois connus ou inconnus perpétuent la tradition dans sa forme la plus simple et la plus fidèle. Parmi eux, le rossignol du rocher, Ahmed Aouabdia qui a accompagné Enrico au oud lors du concert de Bourges; Djamel Bensammar et son ensemble "Andaloussia";  Radouane Belaala plus connu sous le sobriquet de "Babiche" qui a été adopté par Viviane Leyris et anime des fêtes de Malouf un peu partout dans Paris depuis 2003.
A la suite de Salim Fergani qui a perfectionné "El zedjel" et son frère Mourad, on ne peut que se réjouir de la longue liste des nouveaux artistes qui continuent à aimer et immortaliser cet héritage. Parmi eux, on peut citer Mohamed Belil de Annaba, Kamel Bouda de Constantine ou Reda Oubad et El Oukki de Guelma................
On ne peut se permettre d'oublier les frères Nakache, et surtout le jeune Laurent, qui restitue fidèlement la façon de faire de Raymond, entre autres amoureux de cet art.
 
Mis à part l'hommage qu'il a rendu à Raymond dans le strict respect de la tradition et comme tous les anciens constantinois, Enrico Macias continue de chanter du malouf en y introduisant des instruments modernes.

DERNIERE MISE A JOUR
13.05.2012 20:32